C’est dans le souci de répondre à cette question que le Nkafu policy institute a mené une étude sur deux ans dans 03 pays d’Afrique subsaharienne, afin de comprendre pourquoi les incubateurs d’entreprises ne parviennent pas à prospérer en Afrique et comment y remédier ?
Afin de partager les résultats de cette étude, la fondation Denis & Lenora foretia a convié ce vendredi 26 Mars 2022 lors d’une conférence de presse au Djeuga Palace, les médias et tous les acteurs incontournables de l’écosystème entrepreneurial du Cameroun, du Burkina Faso et du Ghana.

L’essentiel à retenir :
Réalisée entre septembre 2020 et août 2022, dans une phase exploratoire dans trois pays d’Afrique subsaharienne représentatifs de la dynamique économique du continent, l’objectif de cette recherche était d’inventorier les pratiques d’accompagnement des entreprises dans ces pays que sont le Cameroun, le Ghana et le Burkina Faso, afin d’étudier si et comment elles contribuent à la réalisation des Objectifs de Développement Durable(ODD).
Plus précisément, cette étude se concentre sur : le lien entre le soutien aux entreprises et l’écosystème pour l’innovation et la science ; la relation entre la création d’entreprises et les ODD 4, 5, 8 et 13 (ce qui est fait, les lacunes et ce qui devrait être fait) ; le processus de mise à niveau des entreprises avec un intérêt particulier pour les facteurs de réussite et d’échec et une analyse du rôle des politiques publiques sans oublier la généralisation des meilleures pratiques observées au niveau national. L’étude a utilisé des données primaires pour comprendre les pratiques d’accompagnement des entreprises au Cameroun, au Burkina Faso et au Ghana ; ainsi que leur conformité aux ODD. Ces données ont été collectées lors des enquêtes que nous avons menées dans les trois pays sélectionnés entre août et septembre 2021. Ces enquêtes ont été réalisées en administrant des questionnaires et guides d’entretien structurés aux différents acteurs de l’écosystème entrepreneurial des pays sélectionnés (structures d’accompagnement des entreprises, fournisseurs de capitaux, facilitateurs d’écosystème, entreprises sociales, bénéficiaires des entreprises sociales) sur une période moyenne de sept semaines. L’étude fournit ainsi des données fiables sur l’accompagnement des entreprises sociales dans les pays sélectionnés ainsi que des informations crédibles sur les déterminants de l’entrepreneuriat social.
Le compte rendu…
« La plupart des structures d’accompagnement des entreprises sur le terrain n’ont pas une bonne compréhension de l’entrepreneuriat social. Ils n’ont pas non plus une bonne compréhension des ODD; Sur le terrain, nous avons également constaté que la plupart des entreprises sociales et des structures d’appui aux entreprises ont identifié les problèmes de financement comme l’obstacle majeur à la promotion de leurs activités.»
A DÉCLARÉ le Dr Jean Cédric Kouam, directeur adjoint des affaires économiques, Fondation Denis & Lenora Foretia et chef de projet

En analysant les services offerts et la capacité interne des structures d’accompagnement interrogées dans les trois pays d’implémentation du projet, les points principaux ci-après émergent :
- Malgré l’esprit d’entreprise et le potentiel des entrepreneurs burkinabés, camerounais et ghanéens, très peu ont les moyens de créer des entreprises pour résoudre un problème social ou environnemental.
- La plupart des entreprises sociales existantes sont de très petite taille, informelles et restent vulnérables.
- Le rôle des entreprises sociales dans le développement de sociétés durables et inclusives reste peu connu de nombreux acteurs de l’écosystème entrepreneurial dans ces pays. Malgré les nombreux problèmes sociaux auxquels font face ces pays et le fait qu’ils soient en retard dans la réalisation des ODD, l’entrepreneuriat social peine à se développer.
- La raison principale est liée aux contraintes de financement auxquelles sont confrontées les entreprises à vocation sociale, mais surtout à un manque de personnel qualifié et de compétences pour promouvoir l’innovation sociale.
- Les enquêtes réalisées montrent en effet que les difficultés liées à l’accès au financement ainsi que le manque de personnel et de consultants qualifiés et compétents sont les deux principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises sociales dans les pays sélectionnés. Au Burkina Faso, 83 % des entreprises sociales, 70 % au Ghana et 52 % au Cameroun identifient le manque de financement comme l’obstacle majeur au développement de leurs activités. Quant au manque de personnel qualifié, 70 % des entreprises sociales interrogées au Burkina Faso, 60 % au Ghana et 41 % au Cameroun ont déclaré y être confrontées.
- Les structures d’accompagnement en activité des pays sélectionnés ont des perceptions et compréhensions différenciées en ce qui concerne l’accompagnement des entreprises sociales. Elles présentent des niveaux de professionnalisation et de spécialisation très variés, manquant pour la plupart de moyens adaptés pour se développer et mettre en œuvre des programmes d’accompagnement solides et durables.
- Tout comme dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, le renforcement, la professionnalisation et le financement de ces structures sont les défis majeurs en matière d’accompagnement des entreprises.
L’état des lieux
Par ailleurs, l’étude révèle la nécessité de renforcer la compréhension des entreprises sociales et des structures d’accompagnement des entreprises en ce qui concerne les objectifs de développement durable et leurs cibles. Autrement dit, les structures d’accompagnement interrogées dans les pays sélectionnés n’ont pas une maîtrise suffisante des ODDs ni de leurs cibles. Toutefois, leurs objectifs et missions font référence à certains ODD notamment ceux retenus dans le cadre de cette recherche.
En effet, les enquêtes révèlent que les missions et objectifs de 94 % des structures d’accompagnement des entreprises au Burkina Faso, 91 % au Cameroun et 87 % au Ghana sont en adéquation avec l’ODD 4. 100 % des structures burkinabés, 66 % des structures camerounaises et 81 % des structures ghanéennes déclarent mettre l’accent sur l’égalité des sexes et l’autonomisation économique des femmes (ODD 5).
les défis auxquels sont confrontés les incubateurs d’entreprises
le cadre fiscal et réglementaire des pays sélectionnés offre une certaine marge de manœuvre aux organisations à but non lucratif, mais ne prévoit pas de dispositions spécifiques et encourageantes en faveur des structures d’accompagnement des entreprises ou pour la promotion de l’entrepreneuriat social pour le développement durable. En analysant les services offerts et la capacité interne des structures d’accompagnement des entreprises dans les trois pays sélectionnés, il ressort que le lien entre l’incubation d’entreprises sociales et l’écosystème pour la science et l’innovation est établi. Les structures d’appui dans les pays sélectionnés aident les entrepreneurs à mieux répondre aux besoins sociaux non satisfaits ou partiellement satisfaits des populations ; les accompagnent dans la définition d’un modèle économique adapté à leurs activités et à produire le meilleur impact social et environnemental. Cependant, leurs capacités d’intervention ainsi que leurs ressources sont encore limitées pour intensifier leurs efforts.
Néanmoins, la collaboration entre structures d’accompagnement d’une part et/ou entre les structures d’accompagnement et les autres acteurs de l’écosystème entrepreneurial d’autre part reste assez limitée ; ce qui contraint suffisamment leur passage à l’échelle et le soutien qu’elles apportent aux entreprises sociales.

La présence des femmes dans le domaine de l’accompagnement des entreprises reste faible dans les pays sélectionnés. Elles sont à la tête de seulement 17 % des structures d’accompagnement des entreprises au Burkina Faso, 25 % au Cameroun et 26 % au Ghana (contre respectivement 83 %, 75 % et 75 % d’hommes). Malgré les nombreuses inégalités qui existent entre les femmes et hommes dans ce secteur (faible accès au financement, à l’éducation, aux technologies et au marché, etc.), les structures d’accompagnement dirigées par des femmes performent beaucoup mieux que celles dirigées par des hommes. Ces dernières apportant un soutien régulier aux entrepreneurs.
les structures d’accompagnement dirigées par des femmes performent beaucoup mieux que celles dirigées par des hommes.
Les recommandations du Nkafu policy institute
La recherche met en avant la nécessité de renforcer la collaboration entre les différents acteurs de l’écosystème entrepreneurial et de contribuer efficacement au renforcement des compétences techniques et managériales des structures d’accompagnement des entreprises existantes. Une meilleure collaboration entre les acteurs de l’écosystème entrepreneurial permettra aux structures d’accompagnement de surmonter les nombreuses difficultés auxquelles elles demeurent encore confrontées au sein de l’écosystème entrepreneurial mais surtout de trouver un modèle économique qui assurerait leur développement, leur croissance et leur pérennité. Cependant, ce soutien aux entreprises doit être adapté aux caractéristiques de celles-ci (réalités locales, taille de l’entreprise, genre du dirigeant, poursuite des ODDs.
La plupart des structures d’appui aux entreprises dans les pays sélectionnés sont généralistes dans le sens où elles opèrent dans plusieurs secteurs et pour différents acteurs. Un appui spécialisé permettrait à ces structures d’appui aux entreprises de définir une offre d’appui plus fine, répondant directement aux besoins spécifiques de la cible

Recommandations aux structures d’accompagnement des entreprises
- Se conformer aux réglementations en vigueur: De nombreuses structures d’appui aux entreprises dans les pays sélectionnés sont informelles et donc inconnues de la plupart des autres acteurs de l’écosystème commercial.
- Se spécialiser : La plupart des structures d’appui aux entreprises dans les pays sélectionnés sont généralistes dans le sens où elles opèrent dans plusieurs secteurs et pour différents acteurs. Un appui spécialisé permettrait à ces structures d’appui aux entreprises de définir une offre d’appui plus fine, répondant directement aux besoins spécifiques de la cible, de mobiliser des partenaires de l’écosystème investis en priorité sur ces questions, et ainsi de constituer un réseau d’experts thématiques ; d’identifier des partenaires pouvant mettre à disposition leurs équipements pour prototyper et tester des produits, et de mobiliser et mutualiser plus efficacement les ressources disponibles.
- Promouvoir l’entrepreneuriat social et le développement d’entreprises sociales.
- S’informer régulièrement sur les mesures/facteurs qui permettraient aux entreprises de réaliser leur fort potentiel de développement. Ces facteurs sont les suivants : accès aux marchés, financement, technologie, développement du capital humain, accessibilité et diversité des financements, réglementation, culture et systèmes de soutien.
- Collaborer efficacement avec les autres acteurs de l’écosystème entrepreneurial : Les institutions de soutien aux entreprises dans les pays sélectionnés doivent communiquer efficacement entre elles et avec les autres acteurs de l’écosystème entrepreneurial.
- Communiquer sur leurs actions et leurs succès.
Recommandations aux gouvernements et aux facilitateurs d’écosystème
Profiter des services offerts par les structures d’appui aux entreprises pour dynamiser les économies nationales en les associant systématiquement à la définition des réformes qu’elles souhaitent mettre en place.
Elaborer au niveau national une feuille de route définissant les conditions de fonctionnement, d’organisation et de développement des différentes structures d’appui aux entreprises privées ainsi que les critères d’obtention de l’agrément (autorisation de création).
Investir dans le renforcement des capacités des gestionnaires et du personnel technique des structures d’appui aux entreprises.

Recommandations aux fournisseurs de capitaux
Adapter leurs offres aux réalités locales, collaborer avec les structures d’appui aux entreprises pour le financement des entreprises, aider les institutions financières à identifier les meilleurs projets à financer et les entrepreneurs à obtenir les fonds nécessaires pour soutenir leurs activités. Encourager et faciliter la participation des femmes dans le soutien aux entreprises sociales.
Recommandations aux entrepreneurs sociaux
S’informer : De nombreux entrepreneurs sociaux dans les pays sélectionnés ne sont pas suffisamment informés sur les objectifs de développement durable (ODD) et ne peuvent donc pas aligner leurs interventions sur ces objectifs.
Désirer se faire accompagner : Les structures de soutien offrent généralement aux entrepreneurs qu’elles accompagnent une aide financière, des conseils, un soutien administratif, un accès à des réseaux d’acteurs de l’innovation, bref, tout ce qui leur permettrait d’obtenir un résultat utile pour la société. L’expérience au sein d’une ou plusieurs structures d’accompagnement est essentielle pour comprendre les facteurs clés de succès et d’échec.
A propos du Nkafu Policy Institute et de la Fondation Denis & Lenora Foretia
La Fondation Denis & Lenora Foretia a été créée en 2012, pour catalyser la transformation économique de l’Afrique en se concentrant sur l’entrepreneuriat social, la science et la technologie, l’innovation, la santé publique et les politiques progressistes qui créent et élargissent les opportunités économiques pour tous. La direction de la Fondation est dirigée par Mme Fri Asanga, CEO, depuis octobre 2021.

Le Nkafu Policy Institute est un groupe de réflexion au sein de la Fondation dont le but est de réaliser des analyses indépendantes pour éclairer le débat public. Sa mission est de faire progresser les politiques publiques qui aident tous les Africains à prospérer dans des économies libres, équitables et démocratiques. L’Institut s’est distingué comme un centre de recherche de premier plan au Cameroun, engagé à promouvoir un débat ouvert qui construit un consensus vers un avenir démocratique. Denis Foretia est le président exécutif du Nkafu Policy Institute et son directeur est le professeur Robert Nantchouang.
Le mot de fin :
Au Cameroun, ce que j’ai constaté, c’est qu’une grande attention est accordée au développement de l’entrepreneuriat et aux infrastructures de soutien, y compris les incubateurs. Ce que le gouvernement essaie de faire, c’est de créer un réseau et des systèmes d’incubateurs qui répondent à certaines normes et cette étude devrait aider le gouvernement à le faire.
a déclaré s.E Richard bale, Haut commissaire du canada au cameroun