L’Accord de partenariat économique qui lie le Cameroun à l’Union européenne commence à laisser une odeur de prison.
Selon la douane camerounaise l’impact de la mise en œuvre de l’APE est de 16 milliards FCFA de moins-values budgétaires, depuis le début du démantèlement il y a un peu plus de 04 ans. Une déclaration peu visible sur le terrain.
Rappelons que le 04 août 2017, à un rythme de décote de 15% par an sur les droits de douane, le gouvernement camerounais lance le démantèlement avec les produits du second groupe. L’objectif est d’encourager la production locale. Le démantèlement est rendu à 45% depuis le 04 août 2019 et était sensé s’accélérer à 60% dès le 04 août 2020. Ce qui ne sera pas fait.
Enfin, le gouvernement ouvre les yeux, mais trop tard !
En effet, les échanges avec l’Europe sont plus bénéfiques pour leurs États que pour le Cameroun. Ne parvenant pas à en tirer d’importants profits, le pays se retrouve à dépenser plus qu’il ne gagne.
« L’on ne vous dira jamais assez. Les APE ne peuvent être bénéfiques pour nos États. Nous allons vers eux pour proposer des produits à moindre coût, qui sont transformés et revendus plus chers sur notre territoire. Or si nos produits étaient échangés au niveau de notre territoire et étendus dans le continent africain avec une bonne politique commerciale, l’on ne se retrouverait pas à faire recours à l’occident et à perpétuer le chômage dans notre pays », déclare Dam Christelle, économiste et fonctionnaire au MINFI.
Comment le Cameroun peut-il s’en sortir ?
Pour bénéficier des APE, il faudrait que les fléaux comme la corruption soient traités urgemment. Lorsqu’il y a trop de réglementations, les entreprises font face à des charges et des coûts de transactions supplémentaires, ce qui compromet au final leur compétitivité.
Vu la manière dont les transactions financières sont faites dans les institutions du pays, il est difficile de penser à un envol économique en signant des accords qui finiront par condamner le pays. Les entreprises paient des pots de vin, font des dépenses supplémentaires au lieu d’investir les ressources correspondantes dans des projets. Il en résulte une faible compétitivité.
Pour plusieurs économistes et citoyens camerounais, l’Afrique doit exploiter ses produits localement, dans une échelle économique liée à l’intégration africaine (communautaire). Ceci pour faire émerger des entreprises compétitives.

Selon l’indice de compétitivité mondiale, le Cameroun est mal classé puisqu’il occupe la 114ème position sur 140 pays. D’où la nécessité pour le pays de relever le défi de la compétitivité. Cela passe par l’investissement dans le capital humain, l’industrialisation, l’innovation, et l’amélioration de la qualité de ses institutions pour plus de liberté économique. Il ne faudrait pas toujours faire appel à l’Union Européenne pour penser à un développement.
Ce qu’il faut vraiment savoir sur les APE
Pour rappel, l’APE est mise en œuvre par le Cameroun depuis le 04 août 2016. Cet accord consacre l’ouverture du marché camerounais aux importations de l’UE en trois étapes correspondant aux trois groupes de produits à libéraliser selon leur nature.
Dans un rapport de la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES), en 2005 :
« Le degré d’ouverture des marchés et le problème de financement sur l’accès au marché des marchandises, l’Union Européenne souhaite une ouverture de 80% du marché de l’Afrique Centrale tandis que celle-ci établit un lien entre l’ampleur des mesures d’accompagnement et le degré de libéralisation à consentir à la partie européenne et propose une ouverture de son marché à 73% révisable au cas où des mesures d’accompagnement concrètes, des dispositifs de gestion flexible et des évaluations périodiques de l’impact de la libéralisation pourraient lui être concédée. L’Afrique Centrale propose un calendrier de démantèlement d’une durée de 20 ans, comprenant une période préparatoire de 5 ans, destinée à la mise en œuvre des mesures d’accompagnement pour soutenir le processus de libéralisation et 15 ans de période transitoire graduelle.
Pour le financement de l’ APE, l’Afrique Centrale souhaite que les mesures de renforcement des capacités et de mise à niveau et autres appuis nécessaires non seulement par la prise en compte des coûts d’ajustement, mais aussi les autres mesures compensatoires doivent être financées par des ressources spécifiques distinctes des fonds alloués dans le cadre du Programme Indicatif National ( PIN) et du Programme Indicatif Régional ( PIR) » .
Misant sur des ambitions spécifiques concourant, l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) à l’horizon 2015 à savoir : ramener le sous-emploi de 75,8% à -50% en 2020, ramener la pauvreté monétaire du 39,9% en 2007 à 28,7% en 2020 et de porter sa croissance à 5,5% en moyenne annuelle, le Cameroun se retrouve dos au mur, avec plus de difficulté qu’avant l’APE. L’accord étant signé, l’opération est obligée d’avancer et risquerait de devenir un emprisonnement et une dépendance à l’UE.
Affaire à suivre…