Politicophobie. Que ce terme accrocheur ne vous effraie pas ! La politicophobie est tout simplement une peur individualisée et irrationnelle de la politique ou des politiciens. En Afrique, ce terme parapluie qui englobe plusieurs inquiétudes individuelles, s’apparente plus à de la méfiance vis-à-vis des femmes et des hommes politiques et du processus politique dans sa globalité, plutôt qu’à une réelle maladie mentale.
Une peur véritable !
Si nous n’en sommes nous-même pas victime, nous connaissons tous au moins un ou une politicophobe. De nombreuses personnes, au quotidien, préfèrent garder leur distance avec la politique. Cela pourrait s’expliquer par 05 facteurs majeurs :
- Peur du processus politique : tous les 4, 5, 7 ans, plusieurs sociétés vibrent au rythme des saisons électorales. Une période remplie de marchandages, de rassemblements impromptus et incommodants, de débats et émissions politiques volant bien bas, des crimes dits « rituels », de corruptions et autres fallacieuses promesses… Des cocktails Molotov qui provoquent et accentuent la politicophobie chez la population.
- Peur de voter et choisir les élus : pour de nombreux politicophobes, voter est à la fois une peur et une perte de temps. Une peur, car ce processus en lui-même peut être très intimidant car elle comporte plusieurs étapes de plus en plus technique (et quand on sait que des tutoriels sur comment voter ne sont pas la chose la mieux partagée…) mais également parce que plusieurs ne savent pas qui voter ; deux paramètres qui plongent dans une angoisse et un désintéressement prononcés. Et une perte de temps parce que pour le grand nombre généralement, les dés sont pipés et les vainqueurs connus à l’avance. Alors à quoi bon ?

- Peur des femmes et hommes politiques : indignes de confiance et ne visant que leurs intérêts personnels. Ce sont les deux principales caractéristiques dont sont affublées nos personnalités politiques. Ces ressentis génèrent une peur qui peut à la fois être généralisée et toucher tous les acteurs politiques ou particulière et ne concerner qu’un seul individu. Quoi qu’il en soit la grande majorité des politiciens ne sont pas les meilleurs ambassadeurs de la politique.
- Peur de se présenter à une élection et/ou participer à une campagne électorale : à ce niveau, la politicophobie se traduit par une sévère anxiété à se sentir légitime pour se porter candidat à une élection municipale, législative, présidentielle, régionale etc. Ne pas se sentir capable d’assumer une fonction élective politique va presque souvent de pair avec l’incapacité à réunir le nécessaire permettant de se présenter à ladite élection. Deux faits générant à la longue un ressentiment vis-à-vis de la politique.
- Peur de partager ses opinions politiques : voilà une peur véritablement paralysante qui puise ses origines d’autres phobies telles la grossophobie, qui est la peur de parler en public, l’agoraphobie, qui est la peur de la foule et le ridicule qui est la peur de passer pour cons. Un refus catégorique d’avoir des discussions politiques qui produit les germes d’une brutale politicophobie.
Une politicophobie voulue et entretenue…
La politicophobie est une peur qui émane, très souvent d’actes et de dires de femmes et d’hommes politiques ou militants, du processus politique en lui-même et des légendes populaires sur la chose politique.
Des faits… irréfutables !
- L’abus du pouvoir : « c’est une expérience éternelle que toute personne qui a du pouvoir est porté à en abuser ». C’est de Montesquieu. Les détenteurs du pouvoir politique font la pluie et le beau temps auprès de leurs administrés ; dans bien des cas, ils brillent par leur capacité de nuisance. Combien de politiciens connaissons-nous qui déguerpissent des populations de leurs terres pour se les approprier ? Nous connaissons tous des ministres qui goudronnent juste la route menant à leur demeure ? Et les députés alors ; combien ne s’opposent pas au vote de lois limitant les libertés individuelles ? Au quotidien, les autorités politiques nourrissent cette phobie du politique par leurs actions dangereuses.
- Fanatisme ultra : c’est un terme bien connu en sport notamment au football. Les ultras. C’est une branche d’un groupe réputé pour leur violence aussi bien verbale qu’actée. Les ultras en politique sont des personnes qui s’attaquent à tous ceux qui ne suivent pas leur logique ou leur leader. Ils agissent sous fond de boycotts, attaques physiques, incitation à la haine… Au Cameroun, la Brigade Anti Sardinade (Bas) en est un exemple. Des attitudes qui instaurent un climat de peur généralisée et qui éloignent de plus en plus les citoyens lambda de la politique.

- Les séquelles des gouvernements autoritaires passés ou actuels : dans nos familles ou dans notre entourage, ceux qui nous dissuadent le plus souvent de faire de la politique sont nos parents ou nos grands-parents qui ont connu un régime dictatorial ou répressif, ou une parenté ou ne connaissance qui a eu à faire au rouleau compresseur du système politique tyrannique en place. Pour avoir vécu et/ou subi le côté sombre de la politique, ils ont développé une politicophobie quasiment incurable qui affecte le regard qu’ils portent sur la politique.
- La peur des représailles : avoir une opinion politique peut affecter une carrière professionnelle. Dans des sociétés où tout est politisé et dans laquelle tous ceux et celles à la tête d’une entreprise, ministère, syndicat font partir d’une formation politique (très souvent celui du parti au pouvoir), assumer une position politique peut engendrer dans bien des cas un licenciement, une affectation dans une zone en guerre, manquer des opportunités d’emploi… quand elle est en désaccord avec celle du Boss. Avoir des opinions politiques connues peut aussi être à l’origine de moqueries, harcèlements intellectuels, critiques et attaques personnelles de personnes ne partageant pas ces opinions. La politicophobie dans ces cas tient plus d’un instinct de survie ou de paix.
Les préjugés ont la peau dure…
- Les mains couvertes de sang : tout comme on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, dans l’imagerie populaire on ne fait pas la politique sans se salir les mains. Il ne s’agit pas d’aller tremper ses mains dans une marre de boue ou de se les salir à force de travailler ou d’aller sur le terrain, non, c’est que dans l’esprit des gens réussir en politique suppose faire tout ce qu’il y a de moralement abjecte (faire partir d’une confrérie, avoir des cadavres dans ses placards, voler, avoir des mœurs perverties…). Mais, il ne faudrait oublier que toute règle, si tenté qu’elle en soit une, a toujours des exceptions.
- La politique c’est pour les menteurs : pour presque tout le monde, politique rime avec mensonges. Ce serait une entreprise inutile que de se lancer dans la collecte des promesses non tenues par des politiciens ou de répertorier leurs différents mensonges. Il serait tout aussi difficile de réfuter totalement cette pensée populaire, toutefois, il faut faire une nuance très importante : en politique, il faut certes mentir, mais non pas mentir pour mentir ; mais mentir pour détourner l’attention vers des faits plus favorables à soi. C’est un talent qu’il est primordial de maitriser en politique.

- Seuls les médiocres se tournent en politique : c’est vrai que comparativement à l’Europe ou en Amérique, les hommes et les femmes qui se lancent en politique en Afrique en général ne sont pas bardés de diplômes ou d’études en science politique, en droit, en administration publique, en commerce, en communication politique… Ce sont très souvent des gens qui pour la plupart ont énormément d’argent et donc de l’influence dans leur zone qui s’accaparent du politique avec tous les visions et réalisations approximatives que l’on vit. Mais de plus en plus les choses changent car il existe de vrais profils de carrières de politiciens qui commencent à investir nos paysages politiques. Heureusement.
What… ?
- La politicophobie par des politiciens : il existe des femmes et des hommes politiques que l’on a jamais vu ni entendu. NON, la politicophobie n’est pas la propriété exclusive des citoyens lambdas, des non-politiciens ; elle touche également ces professionnels. Ces politiciens d’un autre genre ont une peur des autres politiciens, et celle de se retrouver sous les feux des projecteurs, sous le regard du public. Ils évoluent dans l’ombre et s’y sentent en sécurité. Le but : éviter d’être sanctionnés par leur camp ou d’être la cible des attaques et critiques des camps d’en face et du peuple. Jamais vous ne les verrez sur des plateaux télévisés, ou accordant une interview radiophonique et certainement pas sur les réseaux sociaux. Ce type de femmes et d’hommes politiques sont qualifiés de fantômes. Des fantômes à qui il manque l’art du media training. Sans aucun doute !

- La politique ? rien à cirer ! : la politique c’est pour les autres. Ils sont nombreux à tenir ce discours, dans toutes ses variables possibles. Beaucoup sont préoccupés par leurs moyens de subsistance et leur capacité à subvenir aux besoins de leurs familles ou leur santé. Ils estiment que la politique est une distraction qui les empêcherait de se concentrer sur l’essentiel et pourtant c’est tout le contraire. C’est en s’intéressant à la politique et en s’y lançant que l’on a toutes les chances de propulser le changement nécessaire pour avoir des lendemains meilleurs. D’autres l’ont compris et s’y accrochent…
La seule chose que nous devrions craindre est cette peur…
Par définition, une phobie est une peur démesurée et dépendant d’un ressenti plutôt que de causes rationnelles, d’un objet ou d’une situation précise. Donc oui, la politique est une phobie pour bien de personnes cependant cette peur ne repose que sur des à priori mais surtout sur une méconnaissance de la chose politique, de son fonctionnement et de son importance.
Dans sa pratique actuelle, la politique ne fait pas rêver. La manière dont elle est mise en lumière par des femmes et des hommes politiques, n’encouragent pas à en faire partir. Ses fruits amers, ne permettent pas d’en espérer des récoltes meilleures à l’avenir. Le climat pessimiste qu’elle dégage est pour attiser de plus belle la politicophobie du peuple. Il est plus qu’urgent que tout cela change.
Le meilleur moyen de vaincre sa peur c’est tout simplement d’y faire face. C’est comme cela que le monstre disparaît. Ne dit-on pas qu’on combat le feu par le feu ? Ou alors que le remède de l’Homme c’est l’Homme ? Le traitement contre la Politicophobie c’est nul autre que la politique ; la pratique de la bonne politique, une politique qui place l’être humain et la recherche du bien commun au centre de toutes les préoccupations politiciennes.
C’est le Moment !
Plus que jamais la politique a besoin de l’intérêt. Plus que jamais la politique a besoin d’engagement. Plus que jamais la politique a besoin de notre participation. Plus que jamais la politique a besoin de femmes et d’hommes qui aspirent à des changements positifs dans tous les secteurs de la société. Plus que jamais la politique a besoin que chacun joue sa partition.
En ce qui nous concerne, vous pouvez compter sur nous, pour veillez, à éveiller, vos connaissances !
