À peine 100 000 tonnes par an, pour une demande nationale qui estimée à 576 949 tonnes. Le riz local camerounais est prisé et quasi absent sur le marché camerounais pendant que les importations de marques de riz étrangers accroissent de plus en plus.
Pas de riz local dans les boutiques du quartier Cité-verte, lieu-dit « Yoyo » à Yaoundé. Sur 10 boutiques visitées, aucune n’a du riz camerounais. Toutes achètent celui importé de Chine ou de Tanzanie. Marché « mokolo » à Yaoundé, 13 boutiques sur 40 visitées vendent le riz local à quantité réduite.
Et pourtant du riz made in Cameroun est abandonné dans les entrepôts du coté de Yagoua, nous rappelait il y a quelques mois encore Bernard Njonga, président de l’Association camerounaise pour la défense des intérêts collectifs (ACDIC), qui, lors d’une visite dans les installations de la Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua, dans l’extrême nord du Cameroun avait fait une découverte étonnante :
“J’ai vu un magasin qui a trois fois la superficie d’un stade de football avec plein de riz Paddy. J’ai crié de joie en sachant qu’on pouvait produire autant de riz. Mais après j’ai crié de tristesse en pensant qu’on importe autant de riz. Vous voyez donc le paradoxe !“

En effet, 160.000 tonnes de riz non décortiqués, stockés depuis 2015, avait été retrouvé dans cet entrepôt, dont la plus grande partie était déjà en état de décomposition. Et pendant ce temps, les commerçants et consommateurs camerounais préfèrent celui venant d’ailleurs.
Pendant ce temps le gouvernement autorise la libre importation massive du riz étranger sur le territoire au point où les importations de riz estimées à 803 505 tonnes en 2019, sont supérieures à la demande nationale, notamment avec un excédent d’environ 367 266 tonnes de riz en plus.
A qui la faute ?
Pour le consommateur camerounais, le riz importé a un rôle de stabilisation en ce sens qu’il favorise les variations du prix local pendant la période de soudure, où son effet se conjugue à celui du déstockage des provisions. Cependant, il conduit à la baisse du prix du riz local, ce qui n’est pas à l’avantage des producteurs.
Pour se dédouaner, certains commerçants et consommateurs se plaignent également du manque de communication autour de la présence du riz local dans les marchés :
“Je n’ai jamais consommé de riz camerounais, je n’en ai même jamais vu. Je ne vois que du riz qui vient de Chine. Si je trouve du riz camerounais, je le consommerais volontiers“, déclare un consommateur de riz à Yaoundé.
“Le riz camerounais, on n’a jamais vu. On ne sait pas où cela se trouve sur le marché. C’est pour cela que nous vendons du riz importé“, Ajoute un commerçant dans la ville de Yaoundé.
Piste de solution
Pour le moment, la nécessité des importations n’est plus à démontrer face au déficit de l’offre nationale qui est estimée en moyenne à 100 000 tonnes par an. Pour y remédier en tenant compte du niveau actuel de la productivité, il faudrait aménager près de 100 000 ha supplémentaires.
Et la Société d’Expansion et de Modernisation de Riz de Yagoua (SEMRY), elle, propose de faire extension dans le septentrion et produire environ 1 million de tonne de Paddy pour satisfaire tout le pays à l’horizon 2030. Une moitié pourrait couvrir la demande intérieure croissante et l’autre pourrait reconquérir le marché des importations.

Offrir un riz local compétitif
La suppression des subventions aux exportations qui détournent le jeu de la concurrence loyale pourrait considérablement changer la donne. Les taxes d’importations dont le pays s’est quelques fois servi l’ont par moment placé à un niveau supérieur de compétitivité sur le marché intérieur. Ce qui rend parfois la compétitivité rude.
En réalité, cette compétitivité reste dépendante de facteurs exogènes comme les prix internationaux du riz, le cours du dollar, le coût du fret maritime et terrestre et la mise du tarif extérieur commun de la CEMAC. Elle est aussi sous la dépendance de certains facteurs endogènes qui ont trait aux coûts de production, aux techniques de production, au suivi des itinéraires techniques, et tout ce qui peut garantir la productivité. Et qui pourrait aussi la compromettre s’ils ne sont pas pris en compte.
Elle passe aussi par la prise en compte de facteurs de compétitivité hors-prix. En effet, nous relevons la présence de plusieurs variétés riz local à l’instar du Nérica , qui a un bon goût et une grande rentabilité. Le Taïnan five qui est peu rentable, mais très délicieux, le riz étuvé qui est à 80% complet, et le riz complet qui est destiné aux diabétiques et hypertendus depuis son introduction.
Au demeurant le riz local augure de belles perspectives en termes de marché. Ses différentes variétés appréciées par les consommateurs peuvent lui permettre de tenir tête aux assauts du riz d’outremer, à condition que toutes les parties prenantes s’y investissent réellement.