AHMED SEKOU TOURE, tout premier président de la république de guinée est surtout reconnu comme celui qui aura osé tenir tête au Général De Gaulle. Rien de surprenant pour peu qu’on se souvienne qu’il est l’arrière-petit-fils du très célèbre opposant à la colonisation française ALMANY SAMORY TOURE. Révolutionnaire et panafricaniste au caractère bien trempé, le titre de ‘’héros national’’ contre vents et marées lui a visiblement survécu. Ce à quoi dira IBRAHIMA BABA KAKE, dans ‘’Sékou Touré, le héros et le tyran’’
« Si la vie de Sékou Touré est exceptionnelle, c’est qu’il est de ces rares hommes dont on n’a jamais fini de parler : en bien ou en mal ».

Ahmed Sékou Toure, membre de l’aristocratie ‘’madingue’’ voit le jour le 09 janvier 1922 dans la localité de Faranah en Guinée Conakry. Il est le fruit de l’union entre le boucher ‘’malinké’’ ALPHA et de AMINATA FATIGA. A seulement 15 ans, alors qu’il est élève au lycée technique GEORGES POIRET de Conakry, il est exclu pour avoir protesté contre la nourriture servie à l’école. C’est le début d’une odyssée qui va l’emmener des années plus tard à la tête du pays.
IL COMMENCE COMME SYNDICALISTE
Freiné, voire tout simplement bloqué dans son ascension professionnelle par le colon, ce fonctionnaire des services postaux se fraie un chemin dans le syndicalisme et devient en 1945 le secrétaire général du SYNDICAT DES POSTIERS. Il y roule sa bosse avant d’organiser près de 10 ans plus tard l’UNION GENERALE DES TRAVAILLEURS D’AFRIQUE NOIRE, principal mouvement syndical en Afrique occidentale française.
En 1956 il devient officiellement un homme politique respectable et craint après son élection comme député à l’assemblée française et comme maire de Conakry.

« NOUS PREFERONS LA PAUVRETE DANS LA LIBERTE A LA RICHESSE DANS L’ESCLAVAGE »
Cette phrase restée mythique prononcée le 25 août 1958 devant le General de gaulle alors en visite officielle à Conakry, et qui entérinait le refus de Sékou Touré à poursuivre le pacte postcolonial, est la raison de la rupture des relations avec la métropole française. Déboussolé, le président français va répondre en ces termes
« l’indépendance est à la disposition de la Guinée (…) la métropole en tirera, bien sûr, des conséquences ». Et le 02 octobre de la même année, la Guinée de Sékou Touré accède à l’indépendance.
Cette prise en main du destin de son pays sera considérée comme une rébellion par De Gaulle, et traitée comme telle. Pour y parvenir, il s’attaque à sa monnaie. En intimant l’ordre à la banque de France de dissimuler le décret d’émission qui authentifie d’une lettre chaque billet selon le territoire africain, le général De Gaulle rend de prime abord ‘’inutilisables’’ trois millions de FCFA dans le trésor guinéen.
Mais jamais à court d’idées, Sékou Toure quitte la « zone franc » et se fait émettre le franc guinéen par ses partenaires tchécoslovaques. La résilience dont fait montre le régime de Conakry oblige la machine déstabilisatrice française à revoir sa copie.
C’est ainsi que le colonel GUY MARIENNE alias ‘’Morgan’’, chef des opérations spéciales du Service de la Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage(SDECE) fait fabriquer à son tour les faux billets de 5,10,100 et 500 franc guinéens afin de créer la confusion parmi les utilisateurs en vain.

Dans l’impossibilité de faire prospérer une déstabilisation par la monnaie, Paris adopte une nouvelle stratégie adossée sur l’instrumentalisation de l’opposition.
« Nous devions déstabiliser Sékou Toure, le rendre vulnérable, impopulaire et faciliter la prise de pouvoir par l’opposition… » affirmait alors l’ex chef secteur Afrique du SDECE, MAURICE ROBERT, avant d’ajouter « avec l’aide d’exilés guinéens refugiés au Sénégal, nous avons organisé des maquis d’opposition dans le Fouta-Djalon ».
Voulant se prémunir contre toute éventuelle intervention militaire de l’ancien colon, le nouvel homme fort de Bamako va se rapprocher du bloc communiste. Ce qui l’emmène en visite officielle en chine dès 1960, une première pour un chef d’Etat africain.

Rigoureux et infatigable, il est victime d’un malaise le 20 mars 1984 en pleine préparation du 20e sommet de l’organisation de l’unité africaine. Le même jour, les cardiologues américains diagnostiquent un ‘’anévrisme de l’aorte’’.
Ses restrictions semblent se retourner contre lui
En son temps, aucun avion autre que ceux des lignes régulières n’était autorisé à atterrir à Conakry sans son aval. Or, informé de son état très critique, le royaume saoudien envoie un avion hôpital pour son évacuation aux Etats-Unis. Dans l’impossibilité d’autoriser à la tour de contrôle de laisser atterrir cet appareil spécial, l’avion mettra plutôt le cap au Sénégal et l’évacuation n’a été possible que le lendemain. Le 26 mars 1984 à 15h23, il rend l’âme à Cleveland dans l’Etat de l’Ohio.
L’ancien prix Lénine pour la paix (en 1960), l’ex-grand-croix rouge de la légion d’honneur française, est porté en terre le 30 mars 1984 au mausolée de Cayenne laissant derrière lui, sa veuve HADJA ANDRE TOURE, leurs deux enfants et la Guinée indépendante.