OBSTACLES ET PISTES DE SOLUTION

Depuis plus d’une dizaine d’années, de plus en plus de Camerounais prennent conscience de la nécessité de créer de la richesse et reprendre le pouvoir sur l’économie nationale. Eu égard à cela, on observe une ébullition d’initiatives entrepreneuriales, et donc de créations d’entreprises.

Selon les informations rendues publiques par le ministère en charge des Pmes, 14 229 PMEs ont été crées en 2019, faisant ainsi passer le chiffre total d’entreprises formelles au Cameroun en 2019 à 209 482.

Cependant, la création d’entreprise au Cameroun se heurte à de nombreux obstacles qui peuvent être identifiés à différents niveaux. C’est dans le souci de recenser toutes ces difficultés et y apporter des pistes de solutions que la fondation Denis & Lenora Foretia, à travers son think tank, le nkafu policy institute a mené une série d’études sérieuses sur l’environnement des affaires au Cameroun, dont le premier rapport intitulé “STARTING A BUSINESS IN CAMEROON: A Critical Analysis.” fait état des 05 contraintes liées à la création d’entreprises au Cameroun.

Les contraintes juridiques

Les critères d’appréciation ici sont notamment : le nombre de procédures, le temps, le coût et l’exigence du capital minimum à verser pour la création d’une simple Société à responsabilités limité (SARL), afin d’opérer de façon formelle au sein de l’économie. Ainsi, sur la base de ces critères, le Cameroun est classé 104e sur 190 économies, selon le rapport Doing Business 2020.

Par ailleurs, il est nécessaire de préciser qu’en dépit du nombre croissant d’entreprises nouvellement créés au Cameroun, en dépit du fait que le capital minimum requis pour la création d’une SARL soit passé d’un million à 100 000 CFA; la majorité des Pmes au Cameroun ont le statut juridique “d’établissement” (ETS). Ce qui traduit généralement un degré élevé de informalité dans une économie.

L’une des raisons fondamentales qui contraint la majorité des jeunes entrepreneurs à opter pour le statut juridique “d’établissement (ETS)”, c’est la complexité en termes de documents et de pièces à fournir pour la création d’une SARL, qui nécessitent un coût supplémentaire hormis les 100 000 FCFA de capital minimum requis.

Et ce n’est pas tout, plusieurs autres difficultés parmi lesquelles la fiscalité, la faible promotion du made in Cameroun par l’État, les exigences de conformité aux normes européennes qui sont imposées aux jeunes entrepreneurs et qui ne tiennent pas compte des réalités sociales. Ajouté à tout ceci, la corruption, et l’instabilité de la loi des finances. Autant de facteurs juridiques qui freinent le désir d’entreprendre des jeunes camerounais.

La politique gouvernementale

Pour favoriser un climat d’affaire favorable dans un pays, autant pour les investisseurs locaux que ceux étrangers, la mise en place d’une bonne politique gouvernementale est essentielle. A ce titre, le gouvernement du Cameroun, s’est employé au cours des dernières années, à introduire plusieurs mesures pour permettre un environnement plus propice à la création d’entreprises. Entre la création des institutions pour faciliter l’enregistrement des entreprises et la réduction des délais et des coûts, des progrès significatifs peuvent être notés.

Cependant, l’esprit d’entreprise n’est pas prépondérante dans la politique du gouvernement qui est plutôt engagé dans la promotion recrutement «spécial» dans la fonction publique. En effet, d’année en année, on observe que, pour le gouvernement, l’intérêt pour la création d’entreprises n’est perçu que dans le sens de la création d’emplois (bureaucratie).

Ainsi, le gouvernement camerounais vante le nombre d’emplois créés et non les créateurs de ces emplois. Par conséquent, de nombreux citoyens s’attendent toujours à être «salariés» et très peu s’attendent à devenir des «employeurs.» C’est à dire des créateurs de richesse.

Par ailleurs, on observe une inadéquation entre les actions menées par les organismes publiques en charge de la réglementation du secteur privé et les besoins réels des entreprises locales. la conséquence directe à tout ceci, étant à la fois la faible efficacité, le manque d’efficience et de transparence des procédures engagées par l’État pour améliorer le climat des affaires. Pour preuve, la durée d’enregistrement des entreprises au CFCE qui est de 72H officiellement, se transforme souvent en plusieurs jours, voire plusieurs semaines en fonction de la zone dans laquelle on se trouve.

Les inégalités entre les hommes et les femmes

Afin d’offrir aux femmes camerounaises les mêmes chances d’investir que les hommes, le gouvernement a mis en place plusieurs actions. Notamment la définition d’un cadre institutionnel pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin, la promotion de l’éducation et de la formation professionnelle des femmes ainsi que plusieurs initiatives de soutien multiforme aux femmes entrepreneurs. Malgré tout ce dynamisme, la situation économique des femmes au Cameroun reste assez précaire. plusieurs raisons peuvent expliquer cela:

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Notamment, le manque d’opérationnalisation du cadre institutionnel existant. En effet, beaucoup de choses sont prévues dans les textes, mais peu sont réalisées. Il y a un écart considérable entre ce qui est prévu et ce qui est fait.

Par ailleurs on note également le manque de ressources financière, et la difficulté à obtenir un crédit auprès des banques pour les femmes. C’est pourquoi, elles se réfugient pour la plupart dans des tontines et associations. A tout ceci s’ajoute les contraintes culturelles, et anthropologiques qui voient d’un mauvais œil les initiatives des femmes dans certains secteurs d’activités.

De même, Rappelons que, Légalement, le mari peut s’opposer à l’exercice de la femme d’un travail qui nuirait au bonheur de leur Ménage. Cette opposition peut notamment conduire à un refus d’obtention d’un registre du commerce (article 4 du Code de commerce). Le visa du mari peut être nécessaire même pour ouvrir une entreprise dans certains cas. Ce qui explique à tort que l’acte de mariage soit un document requis à la constitution du dossier pour la création d’une entreprise au Cameroun.

LES ACCORDS COMMERCIAUX DÉFAVORABLES

Nous n’allons jamais cesser de le rappeler, la signature des APE par l’État du Cameroun a été une grave erreur stratégique. Et malheureusement ce sont les entreprises locales qui subissent la concurrence déloyale des multinationales étrangères. Ce qui est un frein considérable à la compétitivité des industries locales.

Des méthodes de financement non-efficientes

A l’observation, l’une des stratégies phares du gouvernement en matière d’investissement c’est la subvention. Une initiative louable, mais qui au fil du temps s’est avérée inefficace, dans la mesure où les subventions ont transformé les producteurs locaux en mendiants.

En effet, les producteurs les mieux formés ne produisent plus; ils vivent désormais au rythme de plusieurs demandes de projets dans l’espoir d’obtenir des subventions à tout prix. Ce qui les éloignent de leurs fermes et de leurs petites industries.

L’idée de créer une entreprise gratuitement doit être remplacée par celui de l’autofinancement ou du financement à impact. Pourquoi ? Parce que de nos jours, la subvention anarchique a poussé les participants à s’attendre à être payés même pour la mise en œuvre des résolutions relatives aux ateliers auxquels ils participent.

Pour preuve, la majorité des projets de production subventionnés se terminent très souvent le lendemain, dès lors que la subvention est arrêtée. D’où la nécessité de responsabiliser les producteurs et les éduquer à la création de valeur.

Quelques pistes de solution

Selon le Nkafu policy institute, plusieurs conditions sont requises pour améliorer le climat des affaires au Cameroun, Parmi lesquelles :

1. Réduire l’instabilité des projets de loi budgétaires. Ce n’est pas une bonne pratique de créer de nouvelles taxes ou supprimer les taxes existantes et modifier les lois de finances chaque année. Cela conduit à une instabilité des revenus des entreprises et les anticipations du marché ne sont pas claires.

Une situation qui empêche aux entrepreneurs de planifier en douceur leurs activités sur le long terme. Par conséquent, au lieu d’investir dans leurs entreprises, pour créer d’excellents produits / services, ceux-ci se retrouvent dans l’obligation d’assister à des séminaires et à des formations dans l’espoir de mieux comprendre la nouvelle loi de finances. C’est une perte de temps et de ressources dans un écosystème entrepreneurial fragile comme le nôtre.

2- Définir et promouvoir des normes locales en accord avec nos réalités. En effet, imposer des normes internationales au marché local ne stimulera pas la création des industries. Tout au contraire ces normes internationales sont des obstacles au développement du secteur industriel local. car elles n’ont pas été conçues pour nous.

3- Créer un marché propice pour les entreprises locales. Pour se faire, nous pensons que la Chambre de commerce et la Chambre d’agriculture devraient divulguer publiquement chaque trimestre, les informations nécessaires en termes de marchandises dont la demande est forte et octroyer la primeur aux productions locales. Afin d’éviter à nos entrepreneurs de s’investir dans des secteurs qui ne sont pas très rentables.

4-Créer une véritable agence nationale qui promouvra les produits locaux et l’entrepreneuriat féminin.

5-Sensibiliser les entrepreneurs à l’adoption du statut juridique de SARL au détriment de celui d’établissement (ETS). Notamment en simplifiant au maximum toutes les procédures et la paperasse exigées pour la création d’une société à responsabilité limitée. Cela serait d’autant plus facile en digitalisant de façon tangible toutes les procédures.

Plusieurs autres solutions et analyses plus profondes sont contenues dans le rapport d’études du NKAFU Policy institute, téléchargeable gratuitement ici.

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